• Amateurs d'Art, l'exposition vous permettra d'apprendre à connaitre des artistes contemporains peu connus et venant tout droit du Maroc. Photographies, peintures, œuvres abstraites... Il y a à peu près 5 thèmes répartis sur plusieurs salles, traitant de différentes questions tel que la tradition, la condition de la femme, la religion, la violence... Les œuvres y sont nombreuses et diversifiées. En voici trois qui résument l'exposition en quelques lignes.    

     

    L'exposition en trois œuvres: 

     

    Le niveau +2   est celui de La Réinvention. On y trouve des œuvres modernes et traditionnelles à la fois. 
     Farid Belkahia travaille sur des peaux d'agneaux qu'il taille et décore avec des tatouages.
     

    "Le Maroc contemporain" jusqu'au 25 janvier 2015 à  l'Institut du monde arabe.


    Farid Belkahia, Main, pigments naturels sur peau. 

    "Années 60. L'abstraction, qui respecte si bien la convention religieuse de non-représentation de la figure humaine, domine l'art contemporain au Maroc. Très vite pourtant, les artistes s'interrogent: Comment rendre la réalité dans un cadre aussi étroit, à l'intérieur de ces lignes droites et de ces angles? En la subvertissant, en lui inoculant un peu de la chaleur du désert, de courbes féminines, de signes magiques, porteurs de savoir ancestral. Ce sera la démarche de Farid Belkahia (1934-2014), pour qui la tradition est le futur de l'homme "  Le point. 


     On retrouve donc à cet étage des artistes qui tentent de moderniser la transmission de la tradition et de la culture marocaine au monde entier, des artistes qui se posent la question du renouveau. En effet, comment réinventer le savoir marocain afin de le transmettre à d'autres personnes?  


    Au niveau +1 , le thème est celui de La quête spirituelle.  

    Il ne faut surtout pas rater l'oeuvre de Younès Rahmoun! 
    Devant vous, une petite entrée sombre avec un panneau "enlevez vos chaussures avant d'entrée".
    On s'attend à un lieu saint, tel la salle des prières d'une mosquée. 
     En entrant dans la pièce, vous pousserez sans doute une exclamation d'étonnement. Les suspensions lumineuses font penser à un ciel étoilé et une "musique" résonne dans cette salle, invitant à la méditation, au mysticisme et à l'extase. Vous n'aurez qu'une envie: vous allonger un instant par terre et observer les luminaires au-dessus de votre tête afin de vous laisser porter par le charme de la méditation. 
     



    "Le Maroc contemporain" jusqu'au 25 janvier 2015 à  l'Institut du monde arabe.

     


    Au niveau -2, on y parle de l'égalité des femmes, avec ou sans voile. Beaucoup d'artistes se demandent comment être libre de son corps? Mais également: Peut-on être libre et voilé?  

     La vidéo 2 minutes 45 à Marakech de Nadia Bensallam est troublante.  On la voit entrain de marcher dans une rue de Marrakech, niqab jusqu'aux genoux, talons et sac à main rose, tantôt fumant en pleine rue, tantôt s’arrêtant pour observer les passants.    

    Les réactions ne se font pas attendre et étonnamment, ce sont majoritairement les femmes qui l'insultent, la menacent et vont parfois même jusqu'à lui souhaiter sa mort. 
    Nadia Bensallam provoque afin de parler de la condition de la femme dans la société marocaine mais aussi de " l'hypocrisie autour du port du voile".  

    Les femmes sont donc très présentes dans l'exposition, qu'elles soient artistes ou au cœur d’œuvres.  

     

    Portrait vidéo: Nadia Bensallam - Portrait

    https://www.youtube.com/watch?v=T8_LZjwME80#t=88

      

    En conclusion, l'exposition permet la découverte de contemporains marocains, qui cherchent à revendiquer leur identité culturelle au monde. Les œuvres y sont troublantes, choquantes et souvent empruntes de beauté. On ressent le questionnement des artistes face à des sujets parfois ancrés dans les mœurs comme la tradition et la religion mais également des sujets remis en question depuis les printemps arabes comme la liberté ou l'égalité sexuelles et religieuses. Tout ce questionnement face à une grande évolution politique et sociale rend vivant les œuvres et incitent à la réflexion. 

     

     

    "Le Maroc contemporain" jusqu'au 25 janvier 2015 à  l'Institut du monde arabe.

     

    " L’installation d’une tente sahraouie sur le parvis de l’Institut du monde arabe est l’occasion de rendre hommage au désert marocain et d’en faire un

     

    symbole de cette grande exposition." (source: http://www.imarabe.org/) N'hésitez pas à y passer afin d'y déguster des gâteaux et du thé marocain. Le restaurant propose également du couscous, et vous pourrez vous baladez au fond de la tente pour admirer les différents artisans présents. Vous y trouverez un babouchier, un maroquinier, un bijoutier, un dinandier, un damasquiner et un tourneur sur bois. Les 6 artisans présentent des pièces artisanales tout droit sorties du désert marocain et nous insufflent ainsi un peu de cette chaleur envoûtante par ce froid hivernal.

     

    Tous droits réservés à Manon Marques.


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  • Séance 1 : discussion autour du livre d’Alain Caillé Anti-utilitarisme et paradigme du don. Pour quoi ? (Lormont, Le Bord de l'eau, coll. « La bibliothèque du MAUSS », 2014)

     

     

    Dans son ouvrage Anti-utilitarisme et paradigme du don. Pour quoi ? Alain Caillé part du constat que depuis 1980 les sciences sociales caractérisent l’Homme comme étant avant tout un acteur économique ou en encore un homo economicus. Selon lui en effet, avec le triomphe du modèle capitaliste et de l’économie généralisée, la philosophie utilitariste s’est cristallisée et a acquis un caractère de vérité. Refusant de reconnaître cette primauté, il entend développer une science sociale générale où l’ensemble des disciplines qui la composerait travailleraient de concert. Cette science connaîtrait quatre caractéristiques : empirique, explicative, interprétative et normative. Ce dernier caractère est important, Alain Caillé affirme en effet qu’aucun ethnologue ne peut être parfaitement objectif et donc que son travail poursuit un but qui sort du cadre de l’ethnologie.

     

    Cette science travaillerait en suivant une méthode idéaliste, c’est-à-dire s’inspirant de la notion d’idéal type développée par Weber pour identifier des valeurs, chacune induisant une certaine rationalité. Cependant, à partir d’observations de terrains on constate que ces valeurs sont toujours inégalement suivies. Alain Caillé offre comme exemple celui de la France, « le pays des droits de l’Homme », dont les actions réelles ne traduisent pas le respect de cette maxime.

     

    Le choix de l’étude du don permet, selon Alain Caillé, d’accéder à deux registres de socialité qui eux sont constitutifs de l’Homme.

    Le premier, dicté par le don, reflète un monde de l’interconnaissance dans lequel on retrouve les trois notions liées à ce terme : donner, recevoir, rendre et qui font référence à un mouvement interne et externe aux groupes qui le composent car répondant à une demande. Lorsque les règles organisant ce type de circulations des biens sont suivies, Alain Caillé considère que nous sommes en présence d’un cycle symbolique. Lorsqu’elles ne le sont pas c’est à un cycle diabolique que nous avons affaire qui s’explique ainsi : rompre le cercle symbolique en refusant, volant, gardant ou ignorant un objet est synonyme de conflit dont l’ampleur dépend des acteurs engagés.

    Le second caractérise le fait que toute société, quelles que soient ses valeurs et donc la rationalité qu’elle suit, produit des règles impersonnelles mais cependant compatibles aux premières et c’est là que se situe le paradigme.

     

    De cette manière, le don repose sur une « logique d’inconditionnalité conditionnelle », pour reprendre le terme d’Alain Caillé, qui se décompose en deux instants : un premier d’inconditionnalité durant lequel on respecte la règle, puis un second durant lequel on prend la mesure du fait qui vient de se dérouler. Dans cet ordre il est clair que c’est l’inconscience dans la réalisation automatique du geste qui domine plutôt qu’une forme de rationalité qui s’intéresserait aux conséquences de ce geste. En d’autres termes c’est l’image que l’on offre au monde qui prend le dessus sur nos propres conditions de vie.

    Le don est donc une dynamique qui « entraîne une hiérarchie, fais vivre et tue », entraînant des nécessités et des réciprocités généralisées, dans lequel il faut reconnaître le parallèle avec la notion de système d’échanges généralisés développée par Claude Lévi-Strauss dans Les structures élémentaires de la parenté, signifiant que ce que l’on donne à l’un on le recevra de manière équivalente d’un autre, mais chaque geste entraînant un renouvellement de la position sociale des acteurs engagés, l’ensemble de la société étant donc tenue par une quantité de tensions entre ses membres, le tout faisait émerger une hiérarchie. Et les sociétés entres elles de manière similaire.

    En suivant ce raisonnement on constate que le don participe à un double intérêt : pour soi et pour autrui, les deux étant aussi originels l’un que l’autre. Le don est hybride : à la foi libre et obligatoire.

    Mauss justifiait cela par le besoin de reconnaissance qui serait propre à tout Homme et qui se manifesterait lorsque nous sommes en situation de donateur, mais aussi en tant que participant au domaine de la grâce, ce dernier étant l’idéal représentant la force organisant le fonctionnement du système d’échange. On trouve ainsi un équilibre dans notre manière de donner.

     

     

    Pour conclure, Alain Caillé considère que le don répond aux quatre registres d’existence auxquels nous sommes sujets : le registre individuel, c’est-à-dire l’individu face à lui-même, le registre personnel, constitué des proches, le sentiment d’être membre d’une communauté politico religieuse (ayant une juridiction similaire quelque soit sa nature) et enfin l’individu face à l’humanité. Il permet à l’individu de se situer dans l’univers qu’il conçoit et d’y trouver sa place.

     

    Nicolas Chevalier


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