• Compte rendu du séminaire de la revue du MAUSS sur l’anti-utilitarisme et le paradigme du don du vendredi 17 octobre 2014

    Séance 1 : discussion autour du livre d’Alain Caillé Anti-utilitarisme et paradigme du don. Pour quoi ? (Lormont, Le Bord de l'eau, coll. « La bibliothèque du MAUSS », 2014)

     

     

    Dans son ouvrage Anti-utilitarisme et paradigme du don. Pour quoi ? Alain Caillé part du constat que depuis 1980 les sciences sociales caractérisent l’Homme comme étant avant tout un acteur économique ou en encore un homo economicus. Selon lui en effet, avec le triomphe du modèle capitaliste et de l’économie généralisée, la philosophie utilitariste s’est cristallisée et a acquis un caractère de vérité. Refusant de reconnaître cette primauté, il entend développer une science sociale générale où l’ensemble des disciplines qui la composerait travailleraient de concert. Cette science connaîtrait quatre caractéristiques : empirique, explicative, interprétative et normative. Ce dernier caractère est important, Alain Caillé affirme en effet qu’aucun ethnologue ne peut être parfaitement objectif et donc que son travail poursuit un but qui sort du cadre de l’ethnologie.

     

    Cette science travaillerait en suivant une méthode idéaliste, c’est-à-dire s’inspirant de la notion d’idéal type développée par Weber pour identifier des valeurs, chacune induisant une certaine rationalité. Cependant, à partir d’observations de terrains on constate que ces valeurs sont toujours inégalement suivies. Alain Caillé offre comme exemple celui de la France, « le pays des droits de l’Homme », dont les actions réelles ne traduisent pas le respect de cette maxime.

     

    Le choix de l’étude du don permet, selon Alain Caillé, d’accéder à deux registres de socialité qui eux sont constitutifs de l’Homme.

    Le premier, dicté par le don, reflète un monde de l’interconnaissance dans lequel on retrouve les trois notions liées à ce terme : donner, recevoir, rendre et qui font référence à un mouvement interne et externe aux groupes qui le composent car répondant à une demande. Lorsque les règles organisant ce type de circulations des biens sont suivies, Alain Caillé considère que nous sommes en présence d’un cycle symbolique. Lorsqu’elles ne le sont pas c’est à un cycle diabolique que nous avons affaire qui s’explique ainsi : rompre le cercle symbolique en refusant, volant, gardant ou ignorant un objet est synonyme de conflit dont l’ampleur dépend des acteurs engagés.

    Le second caractérise le fait que toute société, quelles que soient ses valeurs et donc la rationalité qu’elle suit, produit des règles impersonnelles mais cependant compatibles aux premières et c’est là que se situe le paradigme.

     

    De cette manière, le don repose sur une « logique d’inconditionnalité conditionnelle », pour reprendre le terme d’Alain Caillé, qui se décompose en deux instants : un premier d’inconditionnalité durant lequel on respecte la règle, puis un second durant lequel on prend la mesure du fait qui vient de se dérouler. Dans cet ordre il est clair que c’est l’inconscience dans la réalisation automatique du geste qui domine plutôt qu’une forme de rationalité qui s’intéresserait aux conséquences de ce geste. En d’autres termes c’est l’image que l’on offre au monde qui prend le dessus sur nos propres conditions de vie.

    Le don est donc une dynamique qui « entraîne une hiérarchie, fais vivre et tue », entraînant des nécessités et des réciprocités généralisées, dans lequel il faut reconnaître le parallèle avec la notion de système d’échanges généralisés développée par Claude Lévi-Strauss dans Les structures élémentaires de la parenté, signifiant que ce que l’on donne à l’un on le recevra de manière équivalente d’un autre, mais chaque geste entraînant un renouvellement de la position sociale des acteurs engagés, l’ensemble de la société étant donc tenue par une quantité de tensions entre ses membres, le tout faisait émerger une hiérarchie. Et les sociétés entres elles de manière similaire.

    En suivant ce raisonnement on constate que le don participe à un double intérêt : pour soi et pour autrui, les deux étant aussi originels l’un que l’autre. Le don est hybride : à la foi libre et obligatoire.

    Mauss justifiait cela par le besoin de reconnaissance qui serait propre à tout Homme et qui se manifesterait lorsque nous sommes en situation de donateur, mais aussi en tant que participant au domaine de la grâce, ce dernier étant l’idéal représentant la force organisant le fonctionnement du système d’échange. On trouve ainsi un équilibre dans notre manière de donner.

     

     

    Pour conclure, Alain Caillé considère que le don répond aux quatre registres d’existence auxquels nous sommes sujets : le registre individuel, c’est-à-dire l’individu face à lui-même, le registre personnel, constitué des proches, le sentiment d’être membre d’une communauté politico religieuse (ayant une juridiction similaire quelque soit sa nature) et enfin l’individu face à l’humanité. Il permet à l’individu de se situer dans l’univers qu’il conçoit et d’y trouver sa place.

     

    Nicolas Chevalier


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :